L’automobile doit beaucoup à la France, qui a été pionnière dans de nombreux domaines de cette industrie. Les ingénieurs français ont été les premiers à théoriser le cycle d’un moteur à combustion et ont également fait partie des premiers à construire ces machines d’un nouveau genre. La France a aussi participé à la promotion de ce nouveau moyen de transport avec la création de nombreuses compétitions. Parmi ces différentes têtes pensantes qui ont permis d’innover, l’esprit créatif français se détache par une certaine forme de débrouillardise, ce qui a permis d’enfanter des marques célèbres, grâce à la vision et la détermination de quelques hommes. Alpine est l’une de ces créations ex nihilo qui renforce la vision innovante et compétitive de l’industrie automobile française. À l’aube des années 1950, un certain Jean Rédélé, plus jeune concessionnaire Renault de France, prend goût à la compétition automobile au volant d’une 4CV. Cette petite populaire de chez Renault, révèle étonnamment un grand potentiel en compétition. Rédélé le sait et n’hésite pas à l’engager dans de nombreuses courses, remportant souvent la victoire dans sa catégorie. En 1952, il remporte les célèbres courses des Milles Miglia et du Tour de France automobile, dans sa classe. La petite 4CV s’illustre même à la deuxième position du classement général de la Critérium des Alpes en 1954. Une certaine frustration qui donne naissance à l’idée de créer une voiture plus légère capable de briller dans les paysages somptueux des cols alpins. Ainsi, est née Alpine en 1955. L’A106 a créé la légende avec sa carrosserie allégée qui dissimulait des éléments mécaniques du losange. Elle a également marqué les débuts victorieux d’Alpine en compétition, remportant sa catégorie au Mille Miglia en 1956. Les éléments sont réunis et la marque se développe avec la même philosophie. Suivent, l’A108 dérivée de la Dauphine, l’A110 dérivée de la Renault 8, puis l’A310, la GTA et l’A610 dans une vision plus grand tourisme. Malheureusement, l’aventure s’arrête en 1995 avant de renaitre de ses cendres en 2012. Derrière cette décision, il y a la volonté de quelques hommes, dont Bernard Olivier et Carlos Tavares, de vouloir ressusciter ce nom mythique. Un nom qui renoue avec son amour pour la compétition grâce à un engagement en endurance en 2013. S’ensuivent de longues années d’attente pour voir débarquer une voiture de route siglée du A fléché. Après de nombreux concepts et de multiples rebondissements, le Salon de Genève de 2017 lève le voile sur la nouvelle légende. Ce ne sera pas AS1 ou A120 comme présagé, mais bien A110 en hommage au modèle le plus emblématique de la marque. Pour prendre toute la mesure de cet héritage, j’ai eu la chance d’organiser un essai comparatif entre la nouvelle A110, grâce à Edenauto centre Alpine Toulouse, et l’ancienne prêtée par la team Buzy. Comme terrain de jeu, il fallait un lieu mythique qui respire le sport automobile à la française. Dans les alentours de Toulouse, il était inévitable de ne pas aller sur l’ancien circuit de Cadours qui a vu disparaitre Raymond Sommer, dans un tragique accident.
La carrière de l’Alpine A110 commence en 1962 avec une même philosophie. 90% des pièces sont d’origine Renault et la légèreté prime. Au-dessus de son châssis-poutre et tubulaire, se trouve une carrosserie en polyester très légère aux lignes effilées et sportives. Sur la balance, elle ne pèse que 625 kg à sec et c’est son plus gros atout. Tout au long de sa carrière, elle s’équipera de différents moteurs, dont l’emblématique 1600 S qui brillera en rallye. La berlinette rafle tout sur son passage au niveau national, mais aussi international entre les mains d’Andruet, Darniche et Nicolas entre autres. Elle décroche le titre de Champion d’Europe en 1970, celui de champion International en 1971 et enfin c’est le sacre en 1973 avec le titre de Champion du monde des constructeurs dans le tout nouveau championnat du monde des rallyes. Un passé de compétitrice que cette belle A110 souhaite retrouver. Cette berlinette a une histoire tout à fait unique. Elle appartient à la même famille depuis plus de 50 ans. Une longue existence qui a laissé des traces sur sa carrosserie, mais elle a récemment retrouvé une seconde vie entre les mains du fils du premier propriétaire. Il a entrepris une remise en route complète en vue d’un engagement dans plusieurs compétitions historiques (Nogaro Classic Festival, rétrospective du circuit de Cadours…), sous la bannière du team Buzy. Ce nom n’a pas été choisi au hasard. Il rend hommage à Michel Buzy, un grand-oncle qui était mécanicien d’usine pour Hotchkiss dans les années 1930 et qui a participé, notamment, au Rallye de Monte-Carlo. Une histoire de famille que Pierre-Henri perpétue avec son fils. Ainsi, tous les trains roulants ont été révisés et optimisés pour la course. Le moteur a également été fortement revu pour rugir de nouveau. D’ailleurs, sous le petit couvercle arrière on retrouve une des mécaniques les plus intéressantes sur l’A110, le 1300 Gordini. Ce petit bloc est repris de la R8 du même nom, elle-même préparée par le sorcier de la préparation moteur, Amédé Gordini. Ce 1255 cm3 fait appel à deux carburateurs Weber 40 DCOE double corps pour développer 95 ch à 6 750 tr/mn et un couple de 112 Nm à 5 000 tr/mn.
Quand on entre dans ce monument automobile, ce qui frappe, c’est l’espace à bord compte tenu des dimensions lilliputiennes de la voiture. Seuls les éléments nécessaires pour piloter sont présents. Deux gros compteurs, une boite de vitesses à 5 rapports synchronisés, un magnifique volant trois branches et des harnais Sabelt installés récemment. Si le pédalier décalé trahit son ancienneté, les commandes sont faciles d’accès. Clé enclenchée, deux coups d’accélérateur pour amorcer le carburant et le moteur rugit dans une sonorité sans filtre. Le ton est donné, ça transpire le sport ! Première enclenchée, je m’extirpe de la voie des stands de l’ancien circuit. Je prends mes marques dans un univers différent qui fleure bon l’huile et l’essence. Les premiers virages du tracé rapide de Cadours s’enchainent, le constat est frappant. La prise en main est naturelle et facile à allure légale. Je sors d’une courbe, j’accélère, le moteur rage jusqu’à atteindre les 6750 tr/min de la zone rouge. J’actionne l’embrayage léger et docile pour verrouiller fermement la troisième très bien guidée, pour une ancienne voiture. Le frisson mécanique est là. Devant moi, une épingle permet de solliciter le freinage à l’excellent mordant (merci le poids plume). On enroule la courbe avant de mettre pied au plancher jusqu’au prochain virage. Les tours s’enchainent avec un bilan plus que favorable. L’Alpine se joue de la physique en étant agile, vive et précise. À son volant, on n’a pas l’impression d’être dans une voiture de son âge tant elle parait moderne. La récente réfection n’y est sûrement pas pour rien, mais on comprend déjà l’ampleur de son comportement grandiose. Est-ce le cas sur la nouvelle A110 ?
Devant vous, se trouve une Alpine A110 dans sa version la plus épurée, intitulée Esprit Originel. Le premier contact est foudroyant. L’Alpine vous charme avec ses proportions parfaites et ses lignes néo rétro. La filiation est évidente avec sa ligne effilée, les quatre phares ronds et de nombreuses lignes stylistiques réinterprétées comme le trait latéral, la forme du vitrage ou encore les écopes d’air à l’arrière. Des traits justes qui sont à la fois sportifs et élégants, d’autant plus dans cette ravissante livrée bleu abysse, avec les jantes 18 pouces grand prix noir diamantées et les étriers de frein or pâle. Une réussite qui est signée par les équipes d’Anthony Vilain. Il faut savoir que la priorité a été donnée au design pour ce projet et que la technique a dû s’adapter, ce qui est assez rare pour le souligner. À l’intérieur, la modernité est bien plus présente avec des compteurs numériques aux graphismes très flatteurs sur le thème bleu, blanc et rouge. Au centre, l’écran tactile pilote toutes les dernières technologies avec une compatibilité Android Auto et Apple Car Play. Cet écran est souligné par quelques sélecteurs du plus bel effet qui permettent, entre autres, de déconnecter toutes les aides. Au centre, une magnifique console centrale flottante est présente avec le sélecteur de la boite de vitesses et le bouton de démarrage. Devant les compteurs, se trouve la pièce maitresse qui vous lie à cette Alpine, un magnifique volant à la prise en main parfaite qui laisse entrapercevoir les palettes de la boite auto et un bouton sport qui change les modes de conduite. Quelques clins d’œil au passé on était dissimulé, comme le rappel de la teinte carrosserie sur le haut des portes, le motif matelassé au même endroit ou encore les éléments bruts comme l’aluminium. Un habitacle agréable à regarder qui dégage une ambiance sportive donnant envie d’avaler les kilomètres. Il faut juste ne pas emmener beaucoup d’affaires, tant les espaces de rangement se font rares, mais c’est ce qu’il faut quand on recherche la légèreté à tout prix.
L4 1.8 Turbo
BVA7
Propulsion
L4 1255 cm3 2 carbu
BVM5
Propulsion
En plus de 50 ans, la technique a fortement évolué et la légèreté a été rendue possible, grâce à un châssis et une carrosserie en aluminium assemblés par collage-rivetage pour plus de résistance et pour éviter toute déformation. Le moindre kilogramme superflu a été chassé comme en témoignent les haut-parleurs Focal qui ont été fabriqués en lin. Bilan, un poids compris entre 1102 et 1140 kg en fonction des options. Ça fait du bien de voir ces chiffres ! Pour éviter de greffer des appendices disgracieux, un lourd travail aérodynamique a été réalisé sous la voiture avec l’adoption d’un fond plat et d’un diffuseur spécifique permettant une V-max de 250 km/h. L’Alpine a donc gardé sa légèreté, mais elle a également gardé ses petites spécificités en partageant des pièces avec la gamme Renault. Les plus aguerris reconnaitront certaines commandes et les palettes de la boîte EDC. Une boite elle-même reprise de la gamme Renault dans sa configuration 7 rapports.
Le moteur qui a migré de la position porte à faux à centrale provient également de chez Renault, à quelques nuances près. Pendant sa genèse, il y a eu de nombreux débats sur la position du moteur et sa puissance. Il fallait au moins 250 ch et aucun moteur de la gamme, qui présente une compacité et une légèreté, ne pouvait encaisser cette puissance. Il a donc été décidé de partir du bloc 1.6 de la Clio RS plus léger pour créer un 1.8. Il est similaire au bloc présent par la suite sur certaines Renault, mais il présente quand même de nombreuses différences pour favoriser un tempérament plus sportif. Un objectif atteint avec une puissance de 252 ch sur notre version et un couple de 320 Nm pour un 0 à 100 km/h en 4,5s. Les performances sont dans son ADN tout en étant raisonnables et c’est ce qui fait la force de cette Alpine sur les petites routes. Bien installé, tout en bas dans le cockpit, l’Alpine se montre très facile à prendre en main grâce à sa compacité et sa boite auto douce en mode normal. Naturelle et reposante, elle devient véloce dès que le bitume commence à serpenter. On sent immédiatement qu’elle a été conçue pour les routes sinueuses de montagne pas forcément très bien entretenues. Le compromis entre filtration et tenue de caisse est grandiose. Chaque portion de route se transforme en un terrain de jeu addictif. On retrouve le comportement typique d’un moteur central qui nécessite de charger l’essieu directeur avant chaque virage pour bénéficier de toute la précision de la direction. Néanmoins, sa légèreté permet de se faufiler sans vraiment ralentir et retarder au maximum les freinages qui demeurent excellents. Tout est fait pour vous connecter au bitume. À chaque instant on ressent la voiture vivre, prendre ses appuis et se déjouer des imperfections du bitume. La suspension offre un débattement généreux pour ne jamais être cassante mais reste très efficace quand il s’agit d’encaisser plusieurs virages rapides. À aucun moment, je ne l’ai sentie débordée par un quelconque sautillement grâce aux butées hydrauliques des amortisseurs. Une souplesse qui permet d’avoir une voiture joueuse une fois les aides déconnectées. Les ingénieurs ont particulièrement travaillé la mobilité de l’essieu arrière pour rendre l’expérience de conduite exaltante, comme sur l’A110 originelle. Le choix des pneus a été fait dans ce sens en cherchant un compromis entre grip et glisse. Ce sont des Michelin PS4 qui ont été choisis et non pas des versions plus radicales comme des PS4S.
Prendre plaisir à rouler à basse vitesse sur les routes sinueuses de notre arrière-pays, voilà l’essence même de l’Alpine. Il est indéniable que l’équipe réduite d’Alpine a réussi à transmettre tout l’ADN de la berlinette historique tout en répondant aux exigences d’une voiture moderne. La voiture semble parfaite à tous égards, suffisamment puissante pour procurer des sensations sans craindre pour son permis de conduire. Elle offre un équilibre parfait qui permet de prendre du plaisir dans toutes les circonstances, avec un bruit suffisant pour savourer sans pour autant réveiller les voisins à chaque démarrage. Elle est également juste dans sa conception, privilégiant la légèreté et bénéficiant d’un “faible” malus écologique par rapport à la concurrence. Une voiture bien conçue, à l’image de son ainée. Une voiture passionnante comme l’est la marque qui la fabrique. L’A110 n’a pas réellement de concurrence, c’est ce qui la rend unique et exceptionnelle. Une voiture qui mérite d’être considérée dans une collection. Le nec plus ultra serait de l’avoir au côté de l’A110 originelle pour ressentir l’esprit de compétition qui a toujours animé Alpine. À acquérir de toute urgence !
Merci à la team Buzy et au fils du propriétaire pour le prêt de cette A110 à la riche histoire.
Un grand merci au centre Alpine Toulouse pour la découverte de la dernière création du constructeur.
N’hésitez pas à faire un tour sur leur site et leurs réseaux pour découvrir toute l’actualité de la marque :
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